Reprise-passation de La femme ovale

 

Lucie Vigneault
Photo : Angelo Barsetti

Marilyn Daoust
Photo : Angelo Barsetti

Le rapport que j’entretiens avec les danseurs.es avec qui je travaille commence souvent par une rencontre en studio. Celle-ci nous permet de voir s’il y a possibilité et potentialité d’approcher nos façons de concevoir et de faire la danse.   Ce n’est que par la suite, que nous plongeons dans le travail de création ou de reprise.

Le goût de revivre un tel moment, m’est venu durant la pandémie.  Le désir de me retrouver en studio non pas seule mais accompagnée était plus fort que tout.  Je désirais être dans le concret d’une chose connue à partager, d’où l’idée de remonter le solo La femme ovale avec deux fabuleuses danseuses Marilyn Daoust et Lucie Vigneault.  À mon grand plaisir elles ont accepté l’invitation que je leur ai lancée. Leur enthousiasme m’a encouragé à reprendre non seulement un extrait de la pièce comme je le planifiais au départ, mais bien de reconstituer l’intégrale de l’œuvre pour donner la chance à chacune de vivre une expérience vibrante qui se décline dans la durée.

Une reprise-passation est en quelque sorte un exercice de mémoire, qui consiste à revisiter les sources et leurs déclinaisons qui nous ont propulsé à créer une œuvre. C’est aussi un moment fascinant qui se compare à des retrouvailles. Il regorge d’éléments sur lesquels, avec le recul, il est possible de mettre des mots.  De transmettre aujourd’hui le solo de La femme ovale, de le rendre disponible lui confère à mes yeux, une valeur au patrimoine immatériel de la danse et à celui que je dédie plus particulièrement aux femmes et ce depuis les débuts de ma compagnie. À la création de La femme ovale, les choix que j’ai pu faire n’étaient pas tous conscients, encore maintenant ils recèlent une part de mystère. Cependant aujourd’hui je suis à même de constater l’influence qu’a eu ce solo sur ma détermination à m’engager dans des processus créatifs où je ne perds jamais de vue la volonté d’aller au bout d’une démarche et ce peu importe que le résultat plaise ou non. Comme femme je me rends compte 20 ans plus tard que bien des choses ont changé concernant notre statut, mais il n’en demeure pas moins qu’on a beau se délester de certaines pierres d’achoppement, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre à une émancipation tant individuelle que collective.

Pour cette reprise-passation c’est comme si j’invitais Marilyn et Lucie chez moi pour leur dévoiler ce qui me fait vibrer. À l’image de tranches de vie qui se superposent et qui constituent l’être dans son manifeste existentiel cette reprise-passation me renvoie aux girations de cette femme qui arrive autant à consentir une place à ses malaises qui l’embrasent qu’à ses parties positives.  Avec le recul et cette mémoire ravivée, ce solo dont je suis témoin pour la première fois interprété par deux femmes exceptionnelles, et ce, 20 ans après l’avoir créé, n’est pas complètement différent de ce que j’avais imaginé lors de sa création. De les regarder s’en emparer pour le soumettre à leurs propres forces évocatrices, de les voir se vêtir d’un costume d’apparat encombrant en empruntant un itinéraire d’allègement et de délestage, ne peut que m’émerveiller. Je souhaite vivement que le public puisse à son tour être subjugué tout autant que j’ai pu l’être devant cette femme ovale.

L’œuvre sera présentée à des dates et lieux différents. Lucie Vigneault sera à la Maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce le 17 février prochain à 20 h. Marilyn Daoust,  quant à elle, sera le 9 mars à la Maison de la culture Janine-Sutto à 19 h 30. Les billets sont gratuits, mais il est préférable de réserver sa place deux semaines avant la tenue des spectacles.

 

 
Oriane Komguep